Rénovation de l’habitat : vers une précarité énergétique durable ?

Cette année encore, avec le Projet de loi de finances 2012 et la Table ronde sur l’efficacité énergétique initiée par le Ministère du Développement durable, les pouvoirs publics tablent sur la rénovation lourde des bâtiments résidentiels et tertiaires pour réduire les consommations d’énergie du secteur. Ces opérations peu nombreuses, coûteuses et peu rentables sont économiquement irréalistes, surtout en période de crise, et socialement inéquitables. Il devient urgent de revenir à des solutions plus pragmatiques et efficientes pour atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement !

Car si le logement neuf répond dès aujourd’hui aux objectifs posés, le bâti existant, lui, présente un véritable défi en matière d’amélioration de la performance énergétique.

Rappelons trois réalités économiques incontournables :
· les investissements d’économie d’énergie dans un logement présentent des “rendements décroissants” : à montant égal investi, plusieurs opérations légères présenteront une meilleure rentabilité énergétique qu’une rénovation lourde,
· les particuliers (ou gestionnaires d’immeubles) raisonnent souvent en temps de retour sur investissement, compte tenu des économies de facture énergétique escomptées et bien sûr des aides éventuelles de l’Etat. Or, la rénovation “lourde” d’un bâtiment existant, presque aussi chère que la construction d’un logement neuf, n’est souvent rentable qu’au bout de 30 ans : elle demande donc des aides de l’Etat plus importantes par kWh économisé pour déclencher l’investissement. De plus, la réussite de l’opération est souvent aléatoire, car la logistique est considérable et la coordination d’une multitude d’intervenants et de parties prenantes incertaine (propriétaires, bailleurs, locataires, autorités administratives…),
· enfin, 3,8 millions de ménages sont aujourd’hui en situation de précarité énergétique, dans des logements mal isolés et mal équipés. Alors qu’ils devraient être les premiers bénéficiaires des aides permettant la réalisation d’améliorations à fort impact sur leur facture énergétique, ils n’ont pas la capacité d’investissement nécessaire à une rénovation lourde.

Ce constat pose ainsi la question de la bonne allocation des fonds publics. L’efficacité et l’équité incitent à privilégier des opérations de rénovation légères, valorisant au maximum l’euro investi et l’utilisation des fonds publics, à l’inverse donc des tendances actuelles ! Il s’agit là de bon sens et de solidarité sociale…

Cibler la rénovation légère d’un nombre important de logements, présente en effet un double avantage. D’une part, induire des investissements à temps de retour attractif pour les particuliers tout en optimisant l’utilisation des fonds publics. D’autre part, engendrer l’adhésion d’un plus grand nombre d’acteurs – particuliers ou professionnels – à sa mise en œuvre. Cela favorise ainsi une large prise de conscience des responsabilités de chacun en matière de maîtrise des consommations d’énergie, et donc de rénovations, nécessaires aux objectifs visés par le Grenelle de l’environnement. La différence de recours entre le Crédit d’Impôt Développement Durable et l’Eco-prêt à taux zéro confirme cette analyse: tandis que le CIDD a permis les rénovations intermédiaires de plus de 6 millions de logements sur 6 ans, l’éco-prêt à taux zéro n’a financé la rénovation lourde que de 150 000 logements en 2 ans.

Certes, le groupe de travail « Ménages » de la Table ronde sur l’efficacité énergétique, qui poursuit ses travaux sous l’égide de Nathalie Kosciusko-Morizet, a pris conscience de ce dilemme. Il propose ainsi de « trouver un équilibre entre une aide massive à un petit nombre de logements pour réaliser des rénovations thermiques très ambitieuses, et des aides concernant un plus grand nombre de logements, mais ne permettant de réaliser que des rénovations thermiques d’ampleur et d’efficacité limitées ».
Force est cependant de constater que les mesures préconisées jusqu’à présent privilégient essentiellement la rénovation lourde du bâti, alors que les logiques économique et sociale – surtout en période de forte contrainte budgétaire – militent fortement pour la seconde alternative !

Il devient donc urgent de revoir totalement la philosophie des politiques publiques en matière d’économies d’énergie, faute de quoi nous n’atteindrons pas les objectifs ambitieux du Grenelle de l’environnement.

Jean Bergougnoux
Président de l’association Equilibre des Energies

http://www.equilibredesenergies.org/

Source : Cabinet ESCAL Consulting

Publié le 26 décembre 2011
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